Les limites des certifications


Dany Marquis

Je vais vous raconter une anecdote.  J’étais en vacances quelque part au Québec.  Dans un restaurant classer #1 selon trip advisor, vraiment bien, la bouffe était bonne, bon service.  Rendu au dessert, le serveur me propose un café. 

Je lui demande alors quel est le café qu’il sert, il me répond : du café équitable. 

Ok, il est équitable, mais c’est quoi comme café, de quelle origine, le grade, qui l’a torréfié?  Le gars me regarde surpris, et dit qu’il ne le sait pas.  Il sait juste qu’il est certifié équitable et qu’il va aller s’informer.  Il revient en me disant que personne ne le sait et que le propriétaire est absent.  Pour ne pas trop avoir l’air prétentieux, je lui ai dit : «  Et bien, allons-y avec votre café équitable! »

Ce type de comportement est très commun et dans certains cas, l’étiquette du produit certifié, que ce soit équitable, biologique, etc a surpassé toutes les autres informations pertinentes à l’expérience de dégustation pour être affublé d’une étiquette.  En tant qu’épicurien, me dire qu’un vin est rouge, qu’une bière est blonde ou qu’un café est équitable ne me dit absolument rien sur l’expérience que je vais vivre à la consommation. 

C’est l’équivalent de demander, est-ce qu’il est bon ton café?  Et de répondre, je ne sais pas, mais il est équitable.

Je fais de l’importation de café depuis plusieurs années et je me suis rendu compte que les certifications n’ont pas aidé les producteurs à sortir leur produit de ce qu’on appelle le marché de commodité.

C’est quoi les commodités, ce sont les produits dits essentiels et sans personnalité, sucre sel, farine.  Ce qui a pour effet, malgré les certifications de conserver le prix du café relativement bas et de rendre difficile la présentation aux consommateurs de café de qualité supérieure.  Mais réellement supérieur et non juste dans l’appellation comme le font certains restaurants comme dans café de torréfaction supérieur.

Le parallèle avec le vin, la bière est les spiritueux pour moi est incontournable.  Et si les restaurateurs se pètent les bretelles avec leur carte des vins, ou leur offre de bière de microbrasserie, ça fait patate lorsque vient le temps de servir le café.   Car le café est un breuvage très aromatique, et complexe, possédant plus de 850 arômes volatiles identifiés.  C’est donc un produit noble et qui peut être aussi agréable à déguster qu’un bon vin ou un bon whisky.  On peut décrire un café de cette façon :

Je vous propose un café d’Éthiopie, un micro-lot de la récolte 2016 qu’on vient de recevoir, c’est un sidama groupe A, de la région de Guji.  C’est un grade 1, le grade le plus élevé du Ethiopian exchange board, lavé et séché au soleil qui vous donnera des arômes de melon d’eau, de citron confit et de chocolat au lait, c’est un café avec une belle fraîcheur et une acidité agréable, très aromatique avec un arrière-goût bref de pêche et de melon.  Je vous le suggère en filtre en accompagnement de notre mousse au chocolat noir et piment d’Espelette sur un croquant à l’érable.

Ça donne le goût n’est-ce pas?

Je trouve que les certifications équitables ont une certaine utilité, soit celle de pouvoir vendre plus cher du café de qualité ordinaire et de garantir un prix plancher à l’agriculteur pour ses surplus.  Mais, je trouve que ça limite les possibilités de faire évoluer les connaissances des consommateurs en décrivant uniquement un café par les certifications, ou même par le pays producteur.  Cette façon de faire conserve le café dans la catégorie des produits de commodité, 2 crème 2 sucres, et empêche les producteurs de commercialiser leur grand cru à des prix supérieurs.  Parce qu’il y a dans le marché du café un secteur en croissance, soit les cafés hauts de gamme possédant de réelles propriétés aromatiques qui les distinguent.  Et les consommateurs sont de mieux en mieux équipés à la maison pour se rendre compte de la différence.  Et le développement du goût des consommateurs pour les produits de qualité, la bière, l’huile d’olive, etc rejoint le café.

Donc, le café est un produit noble, de dégustation qui mérite un peu plus de décorum et de présentation qu’une simple étiquette.  Les restaurants tardent à le développer à cause de la culture du prêt de cafetière par le fournisseur, mais les consommateurs sont de plus en plus nombreux à boire du meilleur café à la maison.  Et je dirais également que la caractéristique majeure qui le rend si peu connu est peut-être le fait qu’il soit sans alcool…

 Dany

 Pour entendre l'entrevue à ce sujet à ma chronique à Radio-Canada :  Bon pied, bon heure, émission du 22 septembre 2016


1 commentaire


  • Aquafinapure

    J’ai particulièrement accroché sur votre finale. Du meilleur café à la maison. Je pense que peu d’endroit réussisse à servir un café à la hauteur du produit, vu la contrainte de la préparation. Une bière de microbrasserie en bouteille est plus aisé. Malgré qu’en fût, la galère prend vite… Secondement, le café est si peu connu est peut-être le fait qu’il soit sans alcool…. vous soulevez un point particulièrement intéressant. Pour ma part, la café m’intéresse en partie parce qu’il ne contient pas d’alcool ; )


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