Cauchemar - La qualité du café durant mes vacances


Dany Marquis

Brûlerie du Quai en campingJ’ai eu le privilège vers le début du mois d’août de prendre quelques jours de vacances.  Cela peut sembler banal,  mais il y a belle lurette que je ne m’étais pas octroyé ce genre d’évasion temporaire.  Je suis reconnaissant envers mon équipe de m’avoir permis un bref retour à l’adolescence dans un roadtrip qui m’a mené aux confins de la Baie de Fundy.  Ce voyage me donna la chance de comprendre un comportement observé chez nos clients en vacances.  En effet, chaque été, on voit apparaître des touristes dans l’entrebâillement de la porte de notre atelier scrutant  l’intérieur, les sourcils froncés par l’effort de déchiffrer ce qui peut bien se tramer dans cette bicoque à l’enseigne extérieure minimaliste annonçant « Café ».  Et malgré un « bonjour » marqué du joyeux barista, un sentiment de méfiance plane de longues secondes, durant lesquelles chacun est figé dans son rôle et où le verdict menace de tomber.  Et lorsque le touriste en question distingue la machine espresso, les tasses, le torréfacteur qui gronde en arrière, on assiste en général à un déploiement d’onomatopées dont l’ampleur semble dépendre du pourcentage de sang latin coulant dans les veines dudit touriste.   Le flot de compliments se perpétue souvent jusqu’à la dernière goutte de la tasse et à la promesse de commander sur www.brulerieduquai.com à leur retour de vacances.  

L’absence de vacances prolongées dans ma vie d’entrepreneur m’a fait oublier une triste réalité de la vie de touriste.  Car si nos fameux voyageurs d’origine urbaine peuvent s’abreuver de café de qualité très facilement, il en va autrement en région.  Et durant son évasion, même en ayant tout à bord pour se faire un café digne de ce nom, un barista en vacances aime bien mettre une pause et se faire servir sa boisson préférée.   J’utilise donc Google afin de repérer les cafés sur notre itinéraire de voyage.  Difficile de faire le tri entre les établissements utilisant le terme « Café » dans leur appellation et les véritables oasis.  Je me demande même pourquoi les restaurants de type « American diner » utilisent le terme café.  J’effectue donc ce tri en poussant plus loin la recherche avec le mot « espresso » et « expresso ».  La liste fond comme neige au soleil et l’espoir renait en moi comme la vue des hirondelles au printemps.  On roule alors jusqu’à la promesse.  J’entre, et me surprends, comme mes clients, à stopper dans la porte pour un rapide tour d’horizon analytique.  Hmmm, pas de trace de la machine espresso…  J’approche du comptoir, j’aperçois mes breuvages préférés sur le menu.  Je commande un espresso et un cappucino.  Pas de questions sur mon espresso…  Court, long, simple, double…  J’aperçois alors du coin de l’œil, l’employé s’affairer sur ce qui me semble être une machine espresso.  Je me déplace alors dans le café afin d’avoir la meilleure vue, quitte à empiéter rudement dans l’espace de clients déjà installés.  Et je remarque l’appareil…  Une Seaco Royale au plastique gris défraichi, qui se met à roter et à déglutir une boisson percolée en 10 secondes et coiffée d’un crema éphémère et grossier.  L’employé  en refait un 2e sur lequel il ajoutera du lait aspiré et moussé par un tuyau translucide et mollasson qui est probablement du même type que ceux utilisés pour les colonoscopies.  Une facture autour de 8,50$ plus tard, je m’installe pour goûter.  Misère…  J’imagine alors ce que doit goûter le café en enfer.  Condamné pour l’éternité à y errer, dans un décor de village figé dans le temps, où on y trouverait qu’un seul coffeeshop qui servirait ce genre de jus.  Je ne peux imaginer une sentence plus cruelle.  Arômes de térébenthine, de carton, de golden retriever mouillé, de camphre, de pansements fraîchement sortis de leur boîte, de goudron, de cendre,  et je frissonne à penser que peut-être, on finit par s’y habituer…  Il va sans dire que je disparus rapidement de l’établissement afin de ne pas être obligé de choisir entre mentir ou d’avoir l’air d’un Québécois snob en vacances.  « Vous n’aimez pas votre café, monsieur? »  Je peux compter facilement 5 autres établissements similaires, utilisant des machines full-auto et arborant fièrement « Espresso » sur leur affichage extérieur.  Toutefois, je suis tombé sur 2 établissements qui avaient une cafetière manuelle et un moulin doseur qui avait tout de la promesse de leur affichage.  Mais voilà qu’en examinant de plus près, on pouvait voir les marques du temps sur ces vieilles machines espresso qui sont le fruit de la pression sur un microtorréfacteur ou d’un revendeur de café local.  « Tu veux que je te prête une vraie machine espresso pour que tu puisses acheter mon café?  Pas de problème! »  Et on reconditionne de vieilles Astoria, Faema, Cimbali datant des années 70-80 avec le moins d’investissement possible pour que le client puisse avoir sa machine.   Et c’est là qu’on peut voir la règle des  4M se faire malmener, avec une machine déficiente, une mouture mal ajustée, un porte-filtre froid, une tasse froide, du café trop torréfié et trop vieux.  Et on mousse le lait comme mes ancêtres barattaient le beurre, à grand coup de poignet de bas en haut, pour que la mousse monte en neige le plus vite possible.  Et pour la faire figer davantage, certains mettent  le pichet au frigo durant 15 secondes.  Et un autre 8,50$.  Et un autre, laissant les tasses pleines sur les tables.   Un véritable cauchemar.

Hopewell rockNe pensez pas que j’ai laissé ma douce dépendance gâcher mon voyage, car la baie de Fundy est vraiment quelque chose à voir.  Je vous recommande de vous arrêter voir les rochers d’Hopewell, et de continuer jusqu’au parc de la baie de Fundy pour y passer quelques nuits.  Il y a plusieurs marches de courtes distances, mais je pense qu’on doit dire trekking maintenant.   Vous pourrez y observer les gigantesques marées de 21 m et descendre sur les plages à marée basse pour remonter à marée haute et s’imaginer ce que serait la vie si l'on était resté en bas.  Le camping est vraiment bien organisé, pas surprenant puisqu'on parle d’un parc fédéral. L’endroit est teinté de l’histoire des Acadiens, des Anglais, des Français.  Je vous suggère, dans le petit village de Alma, d’aller manger des « sticky buns » chez Kelly’s bakery,  la petite boulangerie du village.  Pour manger, le Alma lobster shop est vraiment génial, Dany et son homard - Alma lobster shopune shop de homard où on vous sert votre bête morte et bouillie dans un cabaret, sur un lit de papier journal, accompagné de beurre.   Mon genre de snack, à la bonne franquette, sans prétention avec une équipe vraiment dynamique.  Il y a quelques lobster shop dans le village, mais celui-là est vraiment le meilleur.  Pour ce qui est du café, oubliez ça.   Je suis donc revenu chez nous en visitant sporadiquement sur les routes, différents établissements arborant fièrement la mention café ou espresso comme un appât, comme un morceau de hareng au fond d’un casier à homard.  Et c’est à coup de 8,50$ que je suis revenu chez moi.  Vous comprendrez que je suis passé directement à la Brûlerie du Quai avant d’échouer à la maison.  C’est alors que j’ai compris que malgré le fait que nous mettions vraiment beaucoup d’attention à faire de notre spécialité un produit exceptionnel, la rareté d’une tasse décente en accentue l’impression.  Je me suis donc lancé derrière le bar pour me faire une dose, j’ai reconnu l’odeur du Papouasie durant la mouture et j’ai pu me sustenter de mon breuvage préféré bien assis sur la terrasse.  Et je me disais qu’il devrait y avoir une appellation contrôlée pour l’affichage du mot café et espresso.  Mais j’ai relégué ce projet aux oubliettes aussitôt.  Un guerrier de la lumière se doit de bien choisir ses combats.

Dany Marquis
   
Chef de tribu, entrepreneur, 418 far-east , café, motos, arts martiaux, zen à temps partiel et père de 4 champions.

1 commentaire


  • Jean-michel

    Tellement moi en vacances ca… :)


Laissez un commentaire


Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être affichés