Un bar c’t’un bar, ou les dessous du service client


Dany Marquis

Mon équipe de travail est composée essentiellement des femmes, qui occupent les postes de première ligne, c'est-à-dire majoritairement nos baristas.  Ce sont les visages, les sourires, les voix au téléphone, et la machine fonctionne grâce à leur boulot, à l’énergie et la passion qu’elles y mettent. 

Ce travail, parfois exigeant, est dominé par les relations avec les clients, B-a ba du quotidien elles font le pont entre nos clients et nos produits.  De notre mieux, nous essayons de planifier et d’encadrer tout le travail autour des baristas et d’orienter les communications avec les clients.

Mais il demeure un élément qui me perturbe et qui demeure difficile à contrôler en tant que propriétaire de café, et qui devient rapidement, pour qui fait bien son travail, un irritant.

On pourrait définir cet irritant comme la gestion de l’impact sur les clients masculins, d’un bon service de la part d’un employé féminin.


On ne s’étonnera pas que le gars de la chanson Bar-tendresse d’Éric Lapointe finisse par se dire : « À soir j’aimerais, que la femme derrière le bar, soit ma maitresse. »  Dans un contexte tamisé de bar, où l’alcool coule à flot, chaque regard, chaque sourire franc de la serveuse peut être interprété.  Je peux toujours comprendre ça.

« du p’tit regard… des illusions, sourire en coin un peu cochon »

Les employés d’un bar doivent donc gérer, et même se servir de ce besoin inassouvi de la gente masculine, souvent de façon peu subtile, où le décolleté jusqu’au nombril devient un outil de marketing puissant.

Mais comme dirait l’autre, un bar c’t’un bar. 

Et malheureusement, on retrouve la même dynamique dans un bar à espresso.  Et malgré tout ce que je peux faire, je ne peux empêcher cette dynamique.  La jeune barista, passionnée par son boulot, par la vie, qui fait ses cafés avec une attention religieuse, salut le client par son prénom, contact visuel, sourire, exactement comme on l’exige dans la formation.

« Gnan, le Papet, la barista m’a fait un cœur sur mon café! » dit Ugolin, dans Manon des sources, superbe roman de Pagnol, où la lecture nous laisse entendre le son des criquets et sentir l'air chaud d'un vieux village de la Provence.

Mais voilà qu’en plus d’offrir un service exceptionnel, sans le vouloir, elle attise les passions amoureuses de certains hommes, et même parfois leur libido…

Vous pensez peut-être que j’exagère, mais à chaque semaine, je reçois un lot de témoignages dans ce sens.

Par exemple, cette semaine, une employée s’est fait frôler une fesse par un client.  Impossible de savoir si c’était un accident ou si c’était malicieusement planifié.  L’homme, âgé d’environ 65 ans, est un client régulier, tranquille, et on pourrait douter de la parole de la jeune femme.  Ces incidents sont courants. 

Peut-être pas aussi explicite mais je trouve dommage pour les femmes d’avoir à gérer cet aspect du travail. 

En tant qu’homme, je peux me consacrer entièrement à mon travail, et offrir un service client de qualité, attentionné, avec toute la considération que je peux envers mes clients sans que je reçoive des demandes en mariage… Ou d’autres demandes moins nobles…

Mes compatriotes masculins seraient-ils tellement en manque d’attention que le moindre sourire soit interprété comme une promesse d’éternité?  Dois-je aussi demander à mes employées de bien faire leur travail tout en faisant grandement attention à ne pas susciter des réactions non désirées.  Encore hier, un client dans la trentaine a laissé son numéro de téléphone à une de nos barista de 16 ans! 

Get a life!

Devant ce constat, je vais donc m’affairer à modifier notre stratégie de service client et y intégrer l’utilisation de la gifle et de l’insulte pour remettre les libidineux et les cœurs esseulés à leur place. 

Respect.


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