Durant la période des fêtes, j’ai découvert les émissions de chef. De « Ça va chauffer » à « Master chef Australia », je dévore le concept, divertissant et éducatif. J’y apprends de petits trucs qu’on peut appliquer durant la préparation des repas. J’aime bien aussi la rigueur que les chefs imposent à leurs sbires, leurs exigences. Et comme j’adore manger, je me dois de bien cuisiner puisque les bons restos se font rares dans mon dans mon coin de pays.
Cette semaine, nous avons eu une discussion à ce propos qui m’a fait réfléchir et qui m’a attristé. Cette réflexion tombait juste après la lecture de l’article qui relatait la fermeture du « Café de la petite école » à Nouvelle. On se disait que les bons restos sont en voie de disparition. Dans une région où on rêve tous d’être fonctionnaire, le travail qu’exige l’opération d’un resto en décourage plus d’un.
Mais ce que je crois qui tue la majorité des entreprises c’est le coût des aliments. Le chef débute avec un menu, à son image, sans compromis, où tout est fabriqué à la main. Un fond de sauce, des pâtes, rien de commercial. Mais voilà, ça coûte cher tout ça, et nous sommes en Gaspésie, je peux vous dire que de Janvier à Mars, l’économie de la bouffe roule au ralenti. Les marges sont donc réduites à zéro (souvent à perte), on diminue les employés, on se tape toutes les heures. On se donne à fond, on carbure aux compliments des clients, mais le compte en banque, lui, se vide lentement des ventes de l’été. Notre chef continue de se donner.
Pendant ce temps, les restaurants de type « familial » trônent en roi au centre de chaque petite ville. Au menu, du congelé, du prêt-à-cuire, de la friture, leur souci n’est pas de bien cuisiner, mais bien de rester ouvert. Dans la dernière revue de l’Association des Restaurateurs du Québec un texte parlait de ce sujet. Une citation d’un expert en restauration :
« T’as pas besoin de savoir cuisiner pour opérer un restaurant, t’as besoin de savoir compter. » Et laissez-moi vous dire qu’il a raison.
Souvent on parle d’une gestion au quart de sous. Exemple, un verre de 8 oz pour un café, ne coûte pas 0,08 $ (j’ai oublié le prix exact) mais 0,0754 $. Pas le choix. Si je reviens à notre chef, vient un moment où on doit faire quelque chose, soit augmenter les ventes, soit diminuer le coût des aliments. Et comme on est dans des villes à très basse population, on ne peut pas augmenter l’achalandage, du moins, on est limité. Pour l’autre option, les « vrais » refuseront de tomber dans les spéciaux, menus du jour baloney frite. Il reste toujours l’option de travailler sans salaire, mais qui pourrait reprocher au chef de ne pas pouvoir payer son hydro avec un tartare de bœuf ou un saumon à l’amérindienne ? Alors vient un temps où on jette l’éponge. Je caricature un peu, mais la fermeture de la Petite école représente pour moi un appauvrissement social et culturel. Un échec collectif. J’éprouve même un peu de culpabilité, peut-être ne suis-je pas allé aussi souvent que j’aurais aimé… de toute façon, c’est fini.
Merci à Paul Hachey et Geneviève Philippe pour avoir augmenté le bonheur national brut gaspésien durant ce temps et m’avoir fait aimer les langues de morue.
J’ai beaucoup de respect pour ce que vous avez fait.
Dany
Commentaires (1)
Merci Dany,ton texte me touche beaucoup,le compromis du baloney me fait rire ce matin et j’en ai bien besoin!!!Je renaitrai de mes cendres et ce ne sera pas pour proposer du fast food !!!Le café est mort,la bonne cuisine demeure vivante et fière.
Merci
Paul Hachey