Pourquoi le café de certains restaurants est-il si mauvais?

Apr 06, 2017Dany Marquis

Je voyage beaucoup.  Et sur la route, mon désir de boire du bon ne s’atténue pas.  Et si je peux m’organiser pour apporter mon kit café dans ma chambre d’hôtel, lorsque je vais dans un restaurant, je dois me contenter de ce qui est servi.   Et c’est souvent assez pénible.  Et habituellement les gens qui m’accompagnent me posent la fameuse question :

Pourquoi le café dans certains restaurants est-il si mauvais?

Même ceux qui offrent de la bonne bouffe et un bon dessert finiront le repas avec une tasse de liquide brun d’un goût douteux.  Il y a des exceptions, mais sincèrement, ce sont des exceptions.  La piètre qualité du café servi dans les restaurants est généralisée. 

Laissez-moi vous expliquer.  C’est assez simple.

Tout d’abord, gérer un restaurant, c’est dur.  Très dur.  Et c’est probablement un des domaines où il y a le plus de faillites, d’échecs, de rêves brisés.  Faut être passionné et pas à peu près.  Et en plus, ce n’est pas payant du tout.  Travailler à temps plein au salaire minimum est probablement plus payant que d’opérer un petit resto.  Bref, c’est tout un domaine extrême.

Le restaurateur, qui se voit obligé de satisfaire toutes les règles d’hygiène et de salubrité, d’acheter un paquet d’équipements de cuisine hi-tech, de mettre du stainless partout, devra gérer ses budgets très serrés.  Et dans ses achats de départ, et dans son magasinage de fournisseurs, il devra faire des choix et cela pour chaque produit.

Dans le cas qui nous intéresse ce matin, le fournisseur de café. 

Et c’est là que ça devient intéressant car certains fournisseurs/distributeurs, habituellement appuyés par de grosses compagnies de café, vont faire l’offre suivante au restaurateur. 

On vous prête gratuitement les cafetières, les moulins, les thermos, les réchauds, on vous installe ça également gratuitement et en échange, vous vous engagez à nous acheter du café.  Le restaurateur regarde son budget et y voit l’économie immédiate.  Économie qui peut dépasser facilement atteindre 5000$ et plus si on y ajoute une machine espresso et des moulins doseurs.  Le fournisseur l’assure que son café est bon et il lui fait un très bon prix.  C’est presque trop beau.

Le restaurateur se tourne alors vers un petit torréfacteur local, qui offre du meilleur café, mais celui-ci ne peut pas fournir d’équipement.  Du moins, il pourrait, en achetant des cafés de grade inférieur et pouvoir même arriver au même prix que son compétiteur mais ce serait impossible de payer les équipements prêtés.  À moins de couper vraiment dans la qualité du café.  Ce qui serait alors nuisible pour son image.

Vous comprendrez alors la décision du restaurateur qui choisira le prêteur d’équipements et qui demeurera dans cette situation, tant et aussi longtemps que le torréfacteur local ne lui prêtera pas d’équipement, ou qu’il ne décidera pas d’investir dans de l’équipement de café.

Mais comme je disais tout à l’heure, l’univers de la restauration est tellement bouillonnant, que notre restaurateur n’aura pas le temps ni l’argent de changer de fournisseur de café.  Celui qui lui prête les équipements fait du bon travail, est sympathique, fait l’entretien des équipements, les répare en cas de bris, etc.  C’est confortable, c’est brun, c’est chaud, ça ne goûte pas trop pire avec 2 crèmes et 2 sucres.

Les fournisseurs de café qui visent les restaurateurs sont donc plutôt des entreprises de location d’équipements, qui incluent le coût de location dans la vente de café.  On retrouve un peu la même structure avec les entreprises qui louent des photocopieurs et qui vendent du papier.  C’est la même chose.

Il existe entre les restaurateurs et les prêteurs d’équipement de café une symbiose unique, basée sur un concept de fidélisation par la contrainte.  Lorsque changer de fournisseur implique des coûts et des tracas, on ne change rien. 

Cette technique de prêt d’équipement est aussi présente dans l’industrie des breuvages en général, avec les prêts de frigo pour les bouteilles de boisson gazeuse.  Je te prête les frigos, tu m’achètes du jus, des liqueurs, etc.

Même chose avec la bière, où les grandes marquent vont fournir des frigos, donner des parasols, des tables, toutes sortes d’accessoires pour fidéliser le client.  C’est de bonne guerre.  À la différence que le client demandera ‘’Quel type de bière avez-vous?’’  Nous sommes habitués de voir plusieurs fabricants dans l’offre d’un restaurateur.  C’est même commun de voir un restaurateur acheter ses propres frigos pour garder la microbrasserie du coin. 

Mais dans le café, c’est très rare qu’un restaurant, un hôtel ou un bar offrent plusieurs fabricants.  ‘’Aujourd’hui dans mes cafetières, j’ai un mélange maison de Van Houtte, et un Guji d'Éthiopie de la dernière récolte de la Brûlerie du Quai.  On a souvent droit qu’à un seul café en filtre, et parfois de l’espresso, mais provenant d’un seul fournisseur, soit le prêteur des équipements.

Toutefois, de plus en plus de restaurateurs décident d’acheter leur cafetière et d’être autonome dans leur achat.  Ils sont souvent propriétaires de tous les équipements de leur cuisine, chambre froide, plaque, friteuse, four, etc.  Pourquoi pas la cafetière?

Je vous invite ce matin à poser des questions lors de votre prochaine visite dans un endroit servant du café.  Et si vous voyez que celui-ci est sensibilisé à l’achat local, qu’il sert des bières de microbrasserie, demandez-lui pourquoi il ne sert pas le café du torréfacteur du coin.   Et je vous invite surtout à vous plaindre si le café est mauvais. 



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