J’ai coupé des oignons. Fait insignifiant en soi et très commun mais qui me permet de vous résumer mon état d’esprit. Tout d’abord, je vais vous dire un fait extraordinaire, les yeux me chauffent et pleurent lorsque je coupe des oignons. Je vous le jure! Et mes enfants ne veulent pas couper des oignons (qu’ils ont le droit d’écrire onion maintenant) parce que ça chauffe trop les yeux.
- Mon coco, veux-tu m’aider à couper les oignons svp?
- Oh non! Ça chauffe les yeux!
- Allez! C’est pas si pire et c’est bon des oignons dans un tajine.
- Toi, ça ne te fais rien, tu peux les couper sans problème!
- C’est faux! Ça brûle autant que toi, regarde mon gros nez et mes yeux rouges! Mais je le fais parce que c’est délicieux et que ça vaut la peine de persévérer parce que notre souper sera meilleur.
- Je pensais que ça ne te faisait rien, que tu avais des yeux bioniques, bon ok, je vais en couper.
Et c’est à ce moment, que j’ai compris ce qui me turlutait depuis presque 5 ans. Un vague brouillard maintenant dissipé (ne jamais minimiser le pouvoir créateur de la cuisine!).
La valorisation du renoncement. Le lâcher prise. Du confort à tout prix. Sois heureux. Je me suis rendu compte que mon univers était rempli de gens qui renoncent. Qui s’empêchent de couper les oignons de la vie parce que ça chauffe les yeux et que ça fait pleurer. Et je me suis aussi rendu compte que cela m’affectait insidieusement. J’ai commencé à en discuter autour de moi sans vraiment être capable d’identifier la cause de mon malaise. Et après réflexion, quelques lectures et mon tajine, je me suis rendu compte qu’à la moindre difficulté rencontrée (personnel, professionnel, amoureuse ou autre) le réflexe de la majorité est de suggérer le fameux « lâcher prise », bref le renoncement immédiat devant l’effort. Dans ma paranoïa à éloigner de moi le négatif, je me suis aussi rendu compte que certaines personnes avaient raison de renoncer, tandis que d’autres non. On fait un bon coup en laissant tomber un projet ou une situation toxique ou sans issue mais c’est le cas d’une petite minorité. Quitter et renoncer peut être sain, suffit seulement de savoir mesurer quand cela vaut la peine et quand cela nous privera d’une satisfaction plus grande. Mais, lâcher pour des raisons de facilité, de confort ou autres est devenu la norme, ne nous mène nulle part et amène une souffrance plus grande que celle que vous avez envie d’éliminer. Que ce soit de persévérer dans un projet qui bloque, d’arrêter de fumer, d’avoir une vie de couple équilibrée, de couper des oignions, de conserver un travail ou un poste avec responsabilité, on vit tous des difficultés. Ce n’est pas facile pour personne. Et pour atteindre la satisfaction tant voulue, on doit couper les oignons!
Je ne suis pas parfait, loin de là, et je ne veux pas passer pour prétentieux, mais dans ma petite existence de vie, j’ai appris qu’un tajine sans oignon c’était pas mangeable, et que si je voulais mettre des oignons dedans, je devais les couper et subir le désagrément. Yeux qui piquent, qui chauffent, nez qui coule. C’est désagréable pour tout le monde mais mis dans l’équation du pour et du contre, cette étape douloureuse nous permet de savourer un résultat extraordinaire. Cependant, on oublie souvent en faisant un tableau du pour et du contre, de mettre dans la colonne du contre, le terrible sentiment, caché, obscur, poison qui nous envahit lorsqu’en face de son assiette, on a le regret de ne pas avoir fait l’effort d’y mettre des oignons…
http://www.la-cuisine-marocaine.com/recettes/tajines-130.html
Coupez-vous les oignons de la vie? Dites-le svp. Ceux qui ne le font pas essaient de nous convaincre que c’est bon un tajine sans oignon!
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